Le refoulement en bibliothèque, qu’il ne faut pas confondre avec le désherbage, signifie un mouvement des documents dans un autre lieu de stockage de manière à libérer de la place pour l’accroissement des collections. Concrètement, cet hiver, notre refoulement a permis d’améliorer l’attractivité du libre-accès à La Musicale en ayant davantage de place pour présenter les acquisitions récentes.
Des critères précis ont été établis: tous les documents acquis avant 2018 qui n’étaient sortis qu’une fois en 24 mois ont été retirés du libre-accès. Ainsi, quelque 3680 ouvrages ont été déplacés.
Voilà pour les chiffres. Mais qui sont-ils donc ces refoulés? Quand on s’occupe de les prendre au rayon et de leur attribuer une nouvelle cote, on a le temps de se poser toutes sortes de questions: pourquoi lui? Est-ce qu’il était mal coté? Est-ce la place physique au rayon qui est la raison de son oubli (parfois il faut être un peu contorsionniste pour arriver jusqu’à lui)? Ou notre jugement pour le placer en libre-accès était-il erroné?
Quelques surprises, très subjectives: La méthode de chant de Christophe Prégardien (qui a fait les beaux jours du Grand Théâtre en créant un Ulysse mémorable), les ouvrages didactiques de Jamie Cullum comme Piano with Jamie Cullum, les relevés originaux de Didier Lockwood, ou encore Le best of de Madonna, la musique de chambre au-delà du quatuor, certains recueils d’Ennio Morricone.
Mais, le vrai crève-cœur (toujours subjectif) fut de retirer par deux fois La revue de cuisine de Bohuslav Martinů. Cette œuvre reste un trésor en musique de chambre. Quel humour fait preuve Martinu dans cette pièce teintée de l’influence de Stravinski!
Voilà ce qu’en dit le Guide de la musique de chambre de François-René Tranchefort: «la Revue de cuisine H. 161 pour clarinette, basson, trompette, violon, violoncelle et piano (1927), est une joyeuse fantaisie mettant en scène, dans une terrible intrigue amoureuse, des personnages comme le Pot, le Couvercle, le Fouet à crème, le Torchon et le Balai. […] Ce fut l’un de ses succès à l’époque, mais aujourd’hui encore, ces quatre mouvements (La Suite dont il est question ici) n’ont rien perdu de leur charme ni de leur fraîcheur, en leur évocation d’un jazz délicieusement daté».
Pour découvrir cette suite, voici un enregistrement de l’Ensemble der KammerMusikKöln. Nos deux partitions ont donc reçu la cote des refoulés: XA 106. Et puis, d’autres partitions, retirées elles aussi du libre-accès, ont été empruntées plusieurs fois depuis ce printemps, comme un sursaut d’orgueil! Ce fut le cas pour les 31 songs du groupe bernois de Patent Ochsner! L’espoir n’est pas tout à fait perdu pour Martinů!