Dans le premier épisode, nous apprenions que Genève était la première ville au monde à avoir réalisé un pont permanent suspendu par des câbles en fil de fer, et que celui-ci devait relier l’ancien bastion du Pin, situé vers l’actuelle promenade du Pin, au plateau des Tranchées et à sa place d’armes en enjambant la rue des Casemates, devenue l’actuel boulevard Helvétique. Sa réalisation fut confiée à l’ingénieur cantonal de Genève Guillaume Henri Dufour.
Guillaume Henri Dufour, formé à Paris à l’École Polytechnique, a débuté sa carrière comme officier du génie dans l’armée française. Avec son expérience des travaux sur les fortifications acquise notamment à Corfou et à Lyon, il est l’homme de la situation. Le principe du pont suspendu ne lui est pas inconnu: comme militaire, il l’avait déjà mis en œuvre en réalisant des ponts suspendus par des cordes ordinaires pour franchir des cours d’eau en montagne. Pour ce projet, Dufour sollicite l’ingénieur Marc Seguin, dont la société a expérimenté quelques mois plus tôt, sur un prototype à échelle réduite, l’utilisation de fil de fer pour suspendre un pont. Le passage à l’échelle grandeur nature pose cependant de réelles difficultés. Comme Dufour l’écrit dans sa Description du pont suspendu en fil de fer parue en 1824, «il y a loin de la simple théorie à la pratique, et du projet à l’exécution dans les choses nouvelles». De nombreuses questions se posent, sur l’élasticité des câbles et leur dilatation qui conditionnent la stabilité du pont. La fixation des fils de fer nécessite de nombreux essais: «Différents nœuds ont été essayés (pour réunir par bouts deux fils de fer), aucun n’a réussi. On a pensé alors à tordre les deux brins en recourbant leurs extrémités et on a fait par-dessus une ligature continue […], cette ligature était en fil recuit n°4. Le procédé a parfaitement réussi: le nœud a tenu et la rupture s’est faite ailleurs qu’à la ligature».
La passerelle terminée se présente avec deux travées suspendues par des câbles, de 40 mètres chacune, séparées par une pile intermédiaire aménagée sur le terre-plein central qui déborde le bastion.
Comme le décrit l’historien de l’art Bénédict Frommel, le tablier en bois de deux mètres de large est maintenu au moyen de soixante-dix suspentes à deux séries de trois câbles que l’on entraperçoit d’ailleurs sur l’une des deux très belles et rares photographies prises vers 1845-50 à l’entrée du pont côté ville,
Un peu plus de vingt ans après sa construction, la passerelle ne survivra pas au démantèlement des fortifications voté en 1849. Les très anciens et précieux papiers salés datés vers 1850 documentent les grandes transformations que la ville est alors en train de vivre.
Le fonds Guillaume Henri Dufour est conservé à la Bibliothèque de Genève depuis 2014.
Très intéressant. Existe-t-il un plan/situation avec cette passerelle?