Non non, il ne s’agit là ni d’une œuvre d’art ni d’une communication cryptée mais d’une «simple» lettre familiale d’Augusta de Pourtalès (1815-1885).
Mais pourquoi compliquer de la sorte la tâche du destinataire? Car, on en conviendra, la lecture d’une telle missive demande une certaine dose de patience, voire un certain degré d’endurance… Essayez pour voir, ce n’est pas gagné d’avance!
Augusta de Pourtalès. Lettre à sa sœur Ariane van Berchem. La Lance, 24 juin.
Ms. fr. 8751/1 f. 70-71
Cette «écriture croisée» est utilisée notamment au 19ème siècle en Angleterre; Jane Austen, qui en parle dans son œuvre Emma, en est une adepte bien connue, mais elle n’est pas la seule.
Avant l’apparition du premier timbre-poste, en 1840 en Angleterre (pionnière dans la réforme de la Poste), et l’établissement d’une tarification uniformisée et accessible au plus grand nombre, l’envoi d’une lettre se révèle particulièrement coûteux. À cela s’ajoute le prix du papier qui reste élevé avant l’avènement de sa fabrication industrielle.
Une telle écriture permet donc de faire des économies, d’autant plus que les frais de port sont calculés, entre autres, en fonction du nombre de feuilles utilisées.
Mais ce n’est pas tout… À cette époque, si l’auteur ou l’autrice de la lettre souhaite se donner une chance d’être lu, il a tout intérêt à réduire au maximum les coûts d’envoi car ceux-ci sont payés, non pas par l’expéditeur ou l’expéditrice, mais par la/le destinataire. Drôle de système, n’est-ce pas?
Décidément, ce pauvre destinataire, il/elle n’est pas gâté-e. Pourvu que le contenu de la lettre en vaille la peine et que ses efforts, aussi bien pécuniaires qu’intellectuels, soient récompensés.
Quelques-unes de ces lettres se cachent également dans nos fonds d’archives. Ainsi, il semblerait que les Anglais-es n’étaient pas les seul-e-s à recourir à cette astuce.
Charles et Amélie Pictet-de Rochemont à leur épouse et mère Adélaïde-Sara Pictet-de Rochemont. Genève, 21 juillet [1808]
Ms. fr. 4220/1 f. 15
Tout à fait fascinant!