Jusqu’au 25 novembre 2023 nous vous invitons à découvrir, au premier étage de la Bibliothèque, notre nouvelle exposition consacrée aux œuvres d’Élise Müller/Hélène Smith, une médium artiste genevoise. Retrouvez l’ensemble des articles sur Hélène Smith / Elise Müller en suivant ce lien.
À la fin du dix-neuvième siècle, le médecin genevois Théodore Flournoy, professeur de psychologie et d’histoire des sciences, examine Hélène Smith (née Catherine-Elise Müller en 1861, en Valais), médium aux dons glossolales exceptionnels. Étonnantes séances, où Flournoy trouve en Ferdinand de Saussure un complice qui accepte lui aussi de se pencher scientifiquement sur le cas d’Hélène Smith, relevant du spiritisme, ou pire, de l’occultisme. C’est dans cette Genève dominée par les vieilles familles patriciennes que se développe une recherche où se mêlent à la fois rigueur méthodologique, liberté d’écoute et remarquable inventivité humaine et scientifique.
À la fin du siècle suivant, l’historien de la médecine Vincent Barras, valaisan d’origine, consacre à cette histoire un cours à l’Université de Genève. Il y développe, élargit, fait dériver les intuitions et conclusions du psychologue genevois vers l’étude de la glossolalie et de l’inventivité langagière des enthousiastes, possédé.e.s, spirites, schizophrènes, enfants, poètes.
Ces filiations souterraines, ces aventures de l’esprit, ces ouvertures engendrées aussi par la pensée scientifique et sa quête de rigueur, donnent naissance à une création, un opéra, par le compositeur Jacques Demierre, s’articulant autour d’un événement central: la conférence donnée par un historien de la médecine sur le cas d’Hélène Smith. Les mouvements intérieurs de la médium constituent la matière même de l’opéra. Celle-ci se déplace, immobile, aussi bien dans l’espace (la planète Mars) que dans le temps (les Indes au XVème siècle, du temps du sanscrit). Ces déplacements d’un lieu et d’un temps à l’autre démultiplient les significations possibles. Au cours de la conférence, le personnage d’Hélène Smith devient la métaphore d’un processus de migration généralisée. La conférence entrera en mouvement, se déplacera au travers de tous ses éléments annexes, latéraux: l’appariteur et ses manies, le fantôme de l’harmonium indien, les manipulations électroniques du scribe… Ils brouilleront peu à peu le message clair du discours scientifique et finiront par transformer le sens même du lieu et du temps de l’action, de ce qui s’y dit.
La Conférence des Indes à la planète Mars a été créée au Belluard Bollwerk Festival de Gribourg en 1996, reprise dans les années suivantes à Annecy, Genève et La Chaux-de-Fonds.
Avec Vincent Barras, conférencier
Jacques Demierre, harmonium indien à soufflet manuel
Xavier Marchand, mise en scène, appariteur
Dorothea Schürch, voix et scie musicale
Thierry Simonot, régie sonore
Nicolas Sordet, live electronics