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Cette rubrique estivale vous accompagnera tout l’été. Elle vise à donner quelques pistes de lecture où la musique est présente, sans en être le sujet principal.

L’attente dans les couloirs du Conservatoire, avant l’entrée dans la salle d’audition
(Photo: www.concoursgeneve.ch)

« Ma chérrie, chanter c’est comme la vie, il y a des contradictions. Il faut de la douceur et de la force, il faut le corps mais il faut l’âme, sinon ce n’est qu’une farce. Vous avez la beauté intérieure, ma chérrie, l’âme, la sincérité qui manquent à tant de chanteurs, et la richesse du timbre, et la profondeur du son, vous êtes bénie des dieux, vous avez tout!, Sauf – Mme Volk fit une pause – un peu de patience! Vous avez une voix: laissez-lui le temps de grandir! Ecoutez votre corps! Aimez-le, soyez douce avec lui. Allez, on reprend. Ouvrez les côtes, allez plus bas que le diaphragme, là, comme cela, vous donnez de la puissance à votre voix et vous deviendrez vraiment une « grande soprano », ma chérrie, grande par la voix et grande par la gloire. Recommencez depuis le début.

Elle retourna au piano. Tatiana s’exécuta, reprit tout l’air et le conclut à la perfection par le morir en sol dièse qu’elle rendit piquant comme deux banderilles.

 Heidi Volk ôta lentement ses lunettes, puis regarda en direction d’Armand.

 – Elle est prête pour le Concours[1].

Armand regardait Tatiana et ne répondit pas.

Heidi Volk reprit:

Musetta[2] est trop souvent chantée comme un rôle de cocotte. Tatiana lui rend son humanité. Elle m’a émue.

Elle resta un instant pensive.

– Mais une carrière ne s’arrête pas à un concours. Merci mille fois d’être venu assister à la leçon, Armand, vous voyez, on avance.

– C’est moi qui vous remercie. Armand et Tatiana descendirent en silence l’escalier qui menait au foyer du rez-de-chaussée, puis les marches extérieures qui donnaient sur la place Neuve. Armand tendit la main et dit: « C’était magnifique », n’attendit aucune réponse et partit très vite vers le boulevard du Théâtre. Il emprunta le passage piéton, omit de regarder sur sa droite, et un motocycliste l’évita de justesse. Tatiana le vit s’éloigner; il courait presque. Elle rangea ses partitions dans son sac, en ajusta la bandoulière et se dirigea vers la Treille.

Victoria Hall, p. 136-137, Actes Sud (Babel, no. 726)


[1] référence au Concours de Genève dont le chant est l’une des huit disciplines présentes en alternance

[2] rôle de soprano dans l’opéra La Bohême de Giacomo Puccini dont nous possédons plusieurs partitions

Le roman a pour décor tout ce qui entoure la bibliothèque musicale : la prestigieuse salle du Victoria Hall, le Concours de Genève, la Place Neuve, la Treille… Metin Arditi par l’entremise de deux personnages – Armand, riche banquier privé, collectionneur et Tatiana, jeune soprano tchèque, fille d’un antiquaire à Prague – dresse le portrait de sa ville d’adoption avec pour trame de fond la musique. Laissez-vous emmener dans ce Victoria Hall littéraire, où les allusions musicales et géographiques vous étonneront!

Pour emprunter ce roman, c’est par ici.

Retrouvez la Lecture estivale (1) ici.

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