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Cette rubrique va se terminer cet été par Le cœur de l’Angleterre de Jonathan Coe, sorti l’automne dernier. Cet écrivain ne pouvait pas ne pas figurer dans les lectures estivales. Ecrivain et musicien, la musique est toujours présente dans ses romans, comme elle est présente nulle part ailleurs qu’en Grande-Bretagne. C’est le cas pour ce douzième opus. Il s’en explique dans l’interview qu’il accorde à la revue Magic. Si vous connaissez l’auteur, vous savez qu’il aime à l’aide de ses personnages faire le portrait de son pays, même si cette fois dans cette dernière décennie, il ne le comprend plus.

Petit morceau d’anthologie de la première partie de ce roman intitulé La Joyeuse Angleterre. Nous sommes le 27 juillet 2012, tous les personnages sont assis devant leur télévision, devant la Cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques. Tous, sauf un.

«Benjamin [Benjamin Potter, l’alter ego de l’auteur] était seul au moulin, assis à son bureau, il faisait des coupures et des révisions dans son roman tout en écoutant un quatuor à cordes d’Arthur Honegger […]. Lorsque la musique de la partie suivante débuta, Philipp n’en crut pas ses oreilles. Il la reconnut tout de suite, cette phrase unique, hypnotique, avec sa curieuse mesure: c’était une musique qu’il avait écoutée des centaines, des milliers de fois, qu’il aimait de tout son cœur, d’une passion qu’il avait dû tenir secrète pendant près de quatre décennies sous la pression de ses camarades qui lui avaient donné le sentiment qu’aimer cette musique revenait à se déclarer ringard ou tout au moins en décalage total avec la mode. Et voilà qu’elle se faisait entendre, diffusée dans le monde entier, présentée comme le nec plus ultra de la culture britannique. Le temps lui donnait raison! Enfin! «Mike Oldfield, s’écria-t-il en renversant du riz sur tout le tapis. C’est Mike Oldfield! C’est «Tubular Bells»!»

Il prit son portable et se précipita dans un coin plus tranquille de la pièce pour appeler Benjamin. Quand celui-ci lui répondit, il entendit de la musique en arrière-plan; cependant ce n’était pas «Tubular Bells», elle avait quelque chose d’angoissé, de discordant. Un quatuor à cordes, semblait-il.

«Tu ne regardes pas?

  • Regarde pas quoi?
  • La cérémonie d’ouverture des Jeux.
  • C’est ce soir?
  • Oh bon Dieu ! Allume la télé.
  • Non, pas envie, je travaille ce soir.
  • Ne discute pas, allume tout de suite.»

Benjamin hésita, impressionné par l’urgence dans la voix de Philipp. «Bon, bon d’accord».

Philipp entendit qu’on éteignait le quatuor à cordes et qu’on allumait la télévision. Au bout de quelques secondes, Benjamin s’exclama:

«Oh bon sang, mais c’est Mike Oldfield!

  • Exact. Mike Oldfield. Mike Oldfield!
  • Qu’est-ce qu’il fiche là?
  •  Il joue «Tubular Bells», qu’est-ce que tu dis de ça!
  • Mais pourquoi?

Parce que enfin – enfin – quelqu’un s’est  aperçu de son génie. C’est un grand compositeur britannique. On a raison depuis le début!» Benjamin entendait le sourire de triomphe de son ami dans sa voix. «Bon je te laisse. Continue à regarder, c’est incroyable.»

Benjamin posa le téléphone sur le bras du canapé et jeta un coup d’œil à l’étrange scène qui se déroulait sur l’écran.» [pp.174, 179-180]

Mike Oldfield est aussi présent à La Musicale avec la version de Tubular Bells de 1992.

Retrouvez les précédents billets de cette rubrique d’été:

Lecture estivale (1)

Lecture estivale (2)

Lecture estivale (3)

Lecture estivale (4)

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