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Depuis quelques jours, l’annonce du prochain festival «Histoire & Cité», qui se tiendra à Genève et à Lausanne du 29 mars au 3 avril prochain, est placardée sur les murs de la ville. Cette affiche de l’atelier SO2 Design a déjà intégré les collections de la Bibliothèque de Genève. Elle retient l’attention par ses couleurs flashy et son motif circulaire qui évoque l’Op art. Certain-e-s passant-e-s remarqueront des nuances dont le sens n’apparaitra qu’aux plus attentives et attentifs. S’y dessinent en effet des formes évasives que l’on identifie comme des lettres. On y lit, avec un peu d’effort, un mot: «INVISIBLES».

C’est une manière particulièrement originale de présenter le thème que le festival a choisi d’aborder cette année. L’expérience de la disparition et de la découverte remplace l’image que l’on attendait, celle des «oublié-e-s, anonymes et marginaux-ales, les maladies invisibles, les pollutions environnementales ou les peurs sociales» qui seront au centre des débats et conférences. L’objet se voit ainsi signifié plutôt qu’illustré.

L’effet psychédélique et abstrait de l’œuvre cache une autre référence, historique celle-là. À y regarder de plus près, le motif de l’affiche n’est pas constitué par des cercles concentriques mais par une spirale qui prend naissance au centre de la feuille et qui se déroule jusqu’à ses bords. Les lettres sont subtilement suggérées par un léger empâtement de ce trait continu.

Cette manière de faire évoque directement les procédés anciens de la gravure sur cuivre, ici restituée par un procédé informatique. Plus précisément, elle imite un célèbre burin, la «Sainte-Face» de Claude Mellan (1598-1688). Pour réaliser en 1649 cette célèbre image, l’artiste baroque français a mis à profit une particularité technique de la gravure en taille douce: les matrices de cuivre étaient alors réalisées non pas tant en traçant des traits sur la plaque qu’en imprimant des mouvements de rotation à celle-ci; les ombres étaient obtenues en donnant une courbure au dessin et, surtout, en appuyant plus ou moins fortement sur le burin qui creusait les sillons. Selon la profondeur de la marque, ceux-ci recevaient, à l’impression, plus ou moins d’encre, créant ainsi une infinité de nuances de gris, depuis le blanc du papier jusqu’au noir le plus profond. Pour son chef-d’œuvre, Mellan réalise une œuvre radicale puisque sa «Sainte-Face» n’est constituée que d’un seul trait qui prend naissance au bout du nez du Christ et se déroule en spirale jusqu’aux bords de la feuille. Il fait ainsi la preuve de son extraordinaire talent. Surtout, il produit une image inédite qui cache, sous l’effet de virtuosité, une profession de foi religieuse: la «Sainte-Face» est une relique prestigieuse, une image dite acheiropoïète (non faite de main d’homme), l’impression miraculeuse sur le voile de sainte Véronique du visage du Christ lors de son calvaire. Vous avez dit invisibles?

SO2 Design , Festival — Histoire et Cité, 29.3-3.4.2022, Genève- Lausanne, histoire-cite.ch
Affiche imprimée, 59.6 x 41.8 cm (Bibliothèque de Genève, en cours de catalogage)
Claude Mellan, La Sainte Face, 1649, burin 632 x 474 mm
Musée d’art et d’histoire, Ville de Genève. Ancien fonds,
Photographe : André Longchamp.
Détail de la même oeuvre montrant qu’elle est réalisée par la gravure d’un seul sillon en spirale.
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