La Saint-Barthélemy est un événement majeur de l’histoire européenne dont on commémore cette année les 450 ans. Le passage des familles protestantes fuyant à partir de 1572 les persécutions dont elles sont victimes en France a durablement marqué la mémoire genevoise. La Bibliothèque de Genève qui conserve de nombreux documents en relation avec l’histoire du protestantisme, a tenu à évoquer cette histoire en publiant une série de blogs. Elle a fait appel à divers spécialistes qui en illustreront de manière originale un événement, un thème ou un objet qui leur ont paru particulièrement significatifs.
J’ai toujours la fièvre le 24 du mois d’auguste, que les barbares Welches nomment aoust. Vous savez que c’est le jour de la St Bartelemi, mais je tombe en défaillance le 14 May où l’esprit de la Ligue catholique qui dominait encor dans la moitié de la France assassina Henri 4 par les mains d’un révérend père feuillant. Cependant les Français dansent comme si de rien n’était.
Cette phrase de Voltaire du 30 août 1769 adressée dans une lettre à ses amis les D’Argental donne le ton sur le sentiment que le résident des Délices a de cet événement majeur de l’histoire de France et de l’Europe. Malade, démuni et fébrile c’est un Voltaire qui continue son combat contre l’Infâme et qui se livre sur la Saint-Barthélemy.

Or cet événement historique n’a jamais été abordé par Voltaire comme un sujet d’histoire. Il y recourt notamment, dans le dernier quart de sa vie, afin d’illustrer les combats qu’il mène dans le cadre des affaires du chevalier de la Barre, Lally-Tollendal, Martin ou encore Sirven. Il voit dans cette «horrible boucherie» l’exemple des actes d’intolérance et un symbole de la souffrance, de la persécution et de l’injustice.
Voltaire consacre cependant, et ce dès son plus jeune âge, deux textes poétiques aux événements tragiques du 14 mai 1610 et du 24 août 1572: La Ligue et La Henriade en hommage à Henri IV et à la tolérance. Le poème épique devient ainsi un outil narratif, et un dialogue entre Henri de Navarre et la reine Elisabeth d’Angleterre, pour raconter les malheurs du massacre. Le chant II est un exemple frappant de la violence de la Saint-Barthélemy:
Je ne vous peindrai point le tumulte et les cris,
Le sang de tous les côtés ruisselant dans Paris,
Le fils assassiné sur le corps de son père,
Le frère avec la sœur, la fille avec la mère.
Les époux expirant sous leurs toits embrasés,
Les enfants au berceau sur la pierre écrasés:
Des fureurs des humains c’est ce qu’on doit attendre.
Voltaire ne cessera ensuite, tout au long de sa vie, de combattre, par la plume et par l’esprit, les abus politiques et religieux afin d’Écraser l’Infâme.
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